Témoignage poignant de Kemi Mesafint, qui après avoir vécu des moments de vie parmi les plus sombres possibles, a connu les lumières de la scène artistique. Sans jamais oublier d’où il vient et comment ce changement s’est produit.
Ma mère n’avait que huit ans lorsqu’elle a pris la fuite pour échapper à un mariage précoce. Ils voulaient la donner, mais elle a refusé. Toute seule, elle a pris un train pour la grande ville. Elle ne savait pas où elle allait, elle a juste couru.
Vous pouvez imaginer que vous êtes en ville et que vous n’avez personne. C’est pourquoi elle n’a jamais reçu d’éducation digne de ce nom et n’a jamais eu de perspectives économiques. C’était une survivante.
Et c’est ainsi que je suis née dans l’un des bidonvilles d’Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie. J’ai été élevé par une mère célibataire après que mon père nous a abandonnés quand je n’avais que deux ans. Je n’avais pas de frères et sœurs. Grandir dans l’extrême pauvreté et sans figure paternelle a été très difficile.
La pauvreté urbaine est un défi énorme. Il ne s’agit pas seulement de ne pas avoir d’argent. Nous vivions dans une petite habitation. C’est à peine si l’on peut parler de maison. Les murs étaient déchirés et nous détestions la saison des pluies parce que nous n’avions pas les moyens de réparer le toit.
Parfois, je demandais si nous allions manger aujourd’hui et ma mère me répondait que non. Nous n’avions pas les moyens de manger trois fois par jour et nous nous couchions le ventre vide.
Nous n’avons jamais eu de toilettes personnelles. En fait, nous partagions les mêmes toilettes que des centaines d’autres membres de la communauté. L’odeur de la pauvreté était partout. Nous tombions souvent malades parce que nous n’avions pas d’accès à de l’eau propre. Les enfants mouraient de maladies évitables. Aller à l’hôpital était un luxe, hors de portée pour des gens comme nous.
La violence était très présente, parce que les gens étaient frustrés par leur vie. Même ma mère, je l’aimais beaucoup, mais on pouvait lire la frustration sur son visage.
Le fait que mon père nous ait laissés seuls quand j’avais deux ans était en partie dû à la frustration de sa vie. C’est vraiment douloureux pour beaucoup de figures paternelles de ne pas avoir les moyens de s’occuper de leurs enfants… alors ils partent. C’est l’une des raisons pour lesquelles il y avait beaucoup de mères célibataires dans notre communauté.
J’avais cinq ans lorsque j’ai entendu parler de Compassion pour la première fois. Ce sont des membres d’une Eglise locale qui sont venus et nous ont mis en contact avec leurs travailleurs sociaux.
Compassion nous a apporté beaucoup de soutien. Désormais, je pouvais aller à l’école, avoir des vêtements décents. Mais il ne s’agissait pas seulement d’aller à l’école. Je me suis construit de bons souvenirs dans le cadre des activités du centre de développement de Compassion.
Laisse-moi te raconter la première fois que j’ai vu un terrain de jeu. J’ai été tellement époustouflé. Je n’avais jamais eu l’occasion de jouer sur un terrain de jeu parce qu’il n’y en avait pas dans notre voisinage. Je me suis dit: «Qu’est-ce que c’est que ce truc qui tourne!». Pour moi, et pour tous les enfants, nous étions si heureux.
Ce sont les petites choses que les collaborateurs du centre de développement de Compassion disaient qui comptaient le plus. Ils avaient l’habitude de dire: «Dieu vous aime; nous vous aimons et vous êtes les bienvenus ici.» C’était la chose la plus étrange que j’aie jamais entendue. Dans ma communauté, personne n’avait le temps de vous dire qu’ils vous aimaient.
C’est cet encouragement qui a progressivement commencé à faire évoluer mon état d’esprit. L’Eglise dans laquelle j’ai grandi était pour moi «une maison sûre». Elle me protégeait de la violence, de la drogue et des abus qui gangrénaient ma communauté.
L’Eglise s’est beaucoup investie dans la formation, l’enseignement, mais elle m’a aussi donné la liberté et la sécurité. Je me souviens encore de toutes les paroles de valorisation, d’encouragement et d’espérance, ainsi que de leurs prières pour moi. Tout cela a été très fructueux, surtout pour moi, car j’ai bénéficié de conseils et d’un soutien supplémentaire. Le fait de venir à l’Eglise m’a donné de l’espoir et m’a permis d’aspirer à un avenir différent de celui dans lequel j’ai grandi.
Quand j’ai eu 16 ans, ma mère est tombée malade et j’ai dû la soutenir. Le troisième jour, elle est littéralement décédée dans mes bras. La vie est devenue si sombre pour moi parce qu’elle était ma source d’inspiration. J’ai alors sombré dans le désespoir que je connaissais quand j’étais petit enfant. Ma mère n’était plus là. Je savais aussi que mon père était décédé. Me voilà donc orphelin.
Sans Compassion, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui. Les responsables du centre de développement de l’enfant m’ont soutenu. Ils sont venu chez moi, ils ont prié pour moi et m’ont constamment encouragé. Ils me disaient: «N’abandonne jamais!»
Grâce à Dieu, j’ai pu aller à l’université. J’ai également eu l’occasion d’obtenir une bourse avec Compassion dans le cadre d’un programme de développement du leadership. J’ai étudié dur et j’ai obtenu mon diplôme. Kemi a réussi!
J’avais l’habitude d’écrire toutes mes émotions et les situations que je traversais. Je pleurais et j’écrivais, je pleurais et j’écrivais. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai rencontré un producteur qui m’a demandé si je savais rapper. Il m’a invité dans un studio pour tenter une expérience. Nous avons commencé à enregistrer une chanson avec toutes ces paroles que j’avais écrites. Dieu a utilisé ma douleur pour créer une chanson, puis un album. Le simple fait d’être ouvert aux gens sur ce que j’ai traversé, sur la façon dont j’ai interrogé Dieu et sur les réponses qu’il m’a données, est un message auquel les gens peuvent s’identifier. Je suis juste un messager à travers la musique rap et Jésus-Christ est mon message. Tout pointe vers lui.
Cet album, mon premier album, était en fait le premier album de rap gospel en Ethiopie. Maintenant, ma vision est d’être une voix dans ma génération. Dieu utilise ma voix à travers la musique rap et à travers une émission de radio dont je suis l’animateur.
Je n’aurais jamais pensé faire de la radio. Mais aujourd’hui, mon émission quotidienne est suivie par des millions de personnes à Addis Abeba. Quand j’étais enfant, je pensais qu’un jour, on me retrouverait mort, probablement de faim. Mais aujourd’hui, Dieu se sert de moi, Kemi, pour parler à des millions de personnes. Je suis également en train de construire un studio pour donner l’occasion à la jeune génération de venir exprimer ses talents musicaux.
Ma propre expérience de la vie me permet de comprendre la souffrance des jeunes. Je peux faire preuve d’empathie et leur montrer qu’il y a de l’espoir pour eux et leur avenir. La pauvreté est dure, horrible même.
Mais il y a une partie de la situation qui relève de l’état d’esprit. Mon parcours personnel me permet d’aider les jeunes à croire en un avenir plein d’espoir. Je me sens profondément engagé envers les jeunes de mon pays.
Kumneger Mesafint (Kemi) est un rappeur gospel basé en Ethiopie qui a lancé deux albums et anime une émission de télévision intitulée « Butterfly Nation ».
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