Des millions d’enfants dans le monde sont victimes de l’esclavage infantile. Ce grave problème se retrouve aussi dans la région du lac artificiel Volta au Ghana.
Ebenezer Agoa avait six ans lorsqu’il a été envoyé travailler sur le lac Volta : un endroit tristement connu pour son esclavage infantile. Ces photos illustrent toutes les injustices qu’il a subies et le chemin parcouru jusqu’à sa libération.
Le lac Volta au Ghana est le plus grand lac artificiel du monde.Les rives du lac se sont peu à peu développées avec des habitations. La population tire ses revenus de la navigation et de l’industrie de la pêche.
Cependant, ce sont des centaines de pêcheurs (ou plutôt de garçons-pêcheurs) qui n’ont pas choisi d’être là. Ils sont soumis à un terrible travail infantile sur le lac. Leurs familles ont été escroquées, leur ancienne vie n’est désormais plus qu’un vague souvenir.
« L’exploitation d’enfants est un problème de pauvreté », s’exprime Henry Tetteh Amanor, responsable d’un centre d’accueil de Compassion et activiste contre le trafic d’enfants au New Ningo Good Sheperd Methodist Child Development Centre GH-0209.
« Lorsqu’on a trois enfants, qui ne peuvent pas aller à l’école à cause du manque d’argent, et que quelqu’un propose de prendre un des enfants pour l’envoyer à l’école – et d’offrir en plus de l’argent en échange, qui permettrait de mettre les deux autres enfants à l’école. Pourquoi refuser ? », explique-t-il.
« C’est ainsi que les parents, ou les responsables légaux, vendent leurs enfants pour une somme infime de 300 Cedis, soit environ 52 francs. »
« Il arrive que les marchands indiquent une ville comme destination, proche du village de l’enfant. » raconte Henry. « Mais en réalité, ils emmènent les enfants assez loin pour que ces derniers ne réussissent pas à retrouver le chemin de leur maison. »
L’industrie de la pêche au lac Volta représente une partie importante de l’économie ghanéenne. Cependant, elle s’est érigée sur le dos d’enfants innocents, âgés pour la plupart de moins de 10 ans. Les enfants se voient attribuer les tâches les plus dangereuses et difficiles. Ils sont exposés à beaucoup de violence, travaillent de longues journées et ne reçoivent généralement ni à manger, ni salaire en retour.
Les familles, comme celle de Ebenezer particulièrement, se retrouvent en danger.
Ebenezer était petit lorsque sa mère est décédée et se retrouva orphelin. Sa grand-mère, Comfort, l’accueillit alors chez elle à Greater Accra. « Je m’occupe de neuf de mes petits-enfants. », raconte-elle « Leurs pères les a tous abandonnés. »
Il avait six ans lorsqu’un homme s’est présenté chez sa grand-mère. Il avançait qu’il possédait un bateau de pêche. Il cherchait des garçons qui pouvaient venir travailler sur le lac Volta afin d’apprendre le métier de pêcheur.
Il promit un bon travail, un salaire fixe, à manger et un abri sûr pour dormir.
Ses promesses, comme son sourire, étaient trompeurs.
Le travail de Comfort consiste à ramasser des fruits et des légumes pour les vendre sur les marchés locaux. Cela lui fait gagner quelques francs à chaque fois.
« Je n’ai pas les moyens de subvenir aux besoins de mes petits-enfants comme je le désirais, mais Dieu me donne la force d’aller travailler, pour nous nourrir, eux et moi. »
Lors que l’homme (une parenté) proposa d’emmener travailler trois de ses petits-enfants sur son bateau de pêche, elle hésita. Si elle acceptait, ces derniers auraient de quoi manger et un endroit où dormir, et elle aurait un peu plus d’argent pour ceux qui resteraient avec elle.
C’est ainsi qu’elle prit sa décision, et les laissa partir.
Ebenezer travailla trois années durant sur le lac. Il lançait et remontait le filet de pêche, jusqu’à ce que ses épaules le brûlent et que des crevasses et des saignements apparaissent sur ses mains.
Les hommes, à l’origine de la construction de ce lac, ont immergé une forêt entière sous l’eau. Alors lorsque les branches des arbres morts venaient à se prendre dans les filets, Ebenezer devait plonger dans l’eau trouble pour démêler les fils. Yeux et poumons brûlants, il cédait à la panique et priait pour retrouver le chemin vers la surface et ainsi respirer à nouveau. Il priait que Dieu veuille bien le sauver de cette situation, qui en avait déjà fait mourir beaucoup.
Des mois passèrent et disparurent dans un nuage d’épuisement. Ebenezer priait toujours pour sa libération.
« Je m’asseyais souvent seul et pensais à mon futur », se souvient Ebenezer. « Je voulais m’enfuir, mais ne pouvais pas. Je n’avais pas d’argent pour le transport. Je priais pour que Dieu m’aide à partir de chez cet homme. »
Comme Comfort, la plupart des parents croient qu’en les laissant partir, leurs enfants auront une meilleure vie.
« Les parents aiment leurs enfants », dit Henry, un collaborateur de Compassion. « Ils font de leur mieux, mais c’est une conséquence indirecte de la pauvreté : ils ne sont pas capables de prévoir la suite, car les trafiquants les dupent. Et parce qu’ils sont pauvres, ils sont vulnérables. »
Beaucoup d’entre eux croient que l’apprentissage du métier de pêcheur permettra à leurs enfants d’avoir un meilleur avenir, mais la réalité est différente.
Comfort raconte : « Un jour, j’étais en train de prier et je me suis perdue dans mes pensées, lorsque j’ai réalisé: « Je ne suis pas allée à l’école. Alors pourquoi est-ce que je devrais accepter que mes petits-enfants n’y aillent pas non plus ? Je suis donc partie les rechercher. »
Henry lui expliqua que Ebenezer et ses cousins pouvaient être accueillis et soutenus par l’Eglise locale et Compassion. Il y avait donc une solution face à l’oppression de la pauvreté qui l’avait poussée à prendre cette décision fatidique.
Remplie d’un nouvel espoir, Comfort prit l’aide d’Henry au sérieux et se mit en route vers le lac Volta.
Lorsque Comfort retrouva son petit-fils, elle pleura de soulagement de le voir encore en vie. Elle pleura à nouveau quand elle apprit toute la maltraitance et tout le désespoir qu’il avait vécus.
Avec le soutien d’Henry, elle put obtenir la libération d’Ebenezer.
Ebenezer passa plus de trois ans sur ce bateau, équivalant à des centaines d’heures de travail et de souffrance. Plus d’un quart de sa vie était maintenant derrière lui – et tout cela pour environ 50 francs en retour.
Pendant ses dernières années de gymnase, Ebenezer espère devenir ingénieur mécanicien. Il a subi un gros traumatisme, mais a survécu. Depuis qu’il a quitté le lac, il a intégré le programme de Compassion et sa grand-mère s’occupe bien de lui. Les personnes de son Eglise locale lui témoignent beaucoup d’amour et son parrain Daniel est très encourageant.
« J’ai assez souffert dans ma vie, et je ne veux pas que ma famille ou mes enfants subissent la même chose. Je veux qu’ils aillent à l’école, et s’assurent ainsi un meilleur futur » dit-il.
Dans la région du lac Volta, un enfant sur trois travaille comme enfant esclave et un sur cinq vit en zone dangereuse.
« Lorsque je reviens au lac, je me sens triste d’être au centre d’accueil de Compassion, moi et pas les autres » raconte Ebenezer. « Je ne veux pas qu’il arrive quelque chose à ces garçons – ces garçons qui remontent les filets, au lieu d’être à l’école. Je sais qu’ils pensent à leurs amis qui sont à l’école. »
A l’échelle internationale, 10 millions d’enfants sont victimes d’esclavage, de trafic humain et d’autres formes d’exploitation, de recrutement forcé dans des conflits de guerre, de prostitution, de pornographie et d’autres activités illégales. On estime à 151.6 millions le nombre d’enfants esclaves. Dans le travail d’enfants, 114 millions d’entre eux ont moins de 14 ans.
Compassion travaille en collaboration avec les Eglises locales, pour changer durablement la vie de chaque enfant. Nous mettons en relation un parrain et un filleul, vivant dans l’extrême pauvreté, afin qu’il investisse dans son futur.
Les enfants photographiés dans ce reportage ne sont pas victimes de travail infantile. En accord avec leur famille, ils ont rejoué ces scènes quotidiennes de la vie sur le lac Volta.
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